Le printemps arabe
C’est quoi ce bruit, mon frère, on dirait le tonnerre,
Si n’était le ciel bleu par ce joli printemps
Où nul nuage vogue et le soleil éclaire
De toute sa vigueur mille prés éclatants.
Ses radieux rayons dorent les fleurs écloses
Mais, pétarades au loin et tout semble agité.
Dis-moi pourquoi mon frère, à la saison des roses,
Tant d’hommes sont partis, moroses, sans gaité ?
Maman ne me dit rien sur le sort de Papa.
Les aurait-il suivis, nous laissant sans nouvelles,
Serait-il de ce monde ou de l’affreux trépas,
Se serait-il mêlé aux foules des rebelles ?
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C’est la guerre ma sœur, ou plutôt c’est la haine,
Logée depuis longtemps par le cœur et l’esprit,
Qui surgit au grand jour, aveugle, sombre et vaine
Elle met ses soldats dans le feu des conflits.
Des hommes s’entretuent au front sans se connaitre
Surement sans savoir la raison de l’horreur
Qui régit désormais leur condition d’être
Ennemis de la paix, ennemis du bonheur.
C’est ainsi chère sœur, mais gardons l’espérance,
N’insultons pas demain, il est un autre jour.
Notre aimable papa, dès la fin des souffrances,
Par le même chemin, sera bien de retour.
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Pourquoi sont-ils méchants, ô mon frère, les hommes.
Au nom de qui, de quoi, livrent-ils ces combats
Décimant les humains et créant des fantômes
Qui marchent haletants sur la chair et gravats.
Alep est un bijou, nous disait la maîtresse,
Une ville à rêver, plus belle que Damas !
Mais un cancer l’atteint, aggrave sa détresse
Qu’on fuit par milliers les habitants, hélas !
Sommes-nous de ce mal atroce et si vorace,
Hors d’atteinte vraiment ; peut-on faire la paix
Sans poudre, sans armées, et s’offrir une place
Parmi les nations avec droit et respect ?
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Je ne sais te répondre en ce moment tragique
Tout se trame bien loin de ton monde enfantin
Et ce n’est pas d’un vœu ou d’un songe magique
Que cesse la noirceur et naît un blanc matin.
Un matin gai et bleu ne laissant point de trace
De l’absurde bataille où meurt le guerrier.
Un matin qui défait les querelles tenaces
Nourries par l’on ne sait quels vils armuriers.
On peut toujours rêver d’Alep qu’on violente,
De l’Irak déchiré, de Libye, du Yémen,
Des pays entrainés dans la même tourmente,
Et prier en silence: amen, amen, amen !
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Que ferions-nous frère à l’approche probable
Des hordes qui paradent aux maquis alentour,
Ils sont puissants, dit-on, leur nombre est incroyable.
Avons-nous où aller si par malheur un jour…
Leur folie meurtrière actionne les armes,
Et souffle les logis, tuant des innocents ?
J’ai peur de ce danger, de vivre pareil drame
Et peur que dans ma classe on compte des absents.
Ce monde inconscient est gravement complice,
Il tait l’atrocité vécue par les enfants !
J’entends les gens touchés par l’ampleur du supplice,
Parler de nombreux morts par des gaz étouffants.
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Nos vies ne valent, sœur, aucunement plus cher
Que celles des voisins auxquels nous lie le sort
Nous sommes là, planqués, auprès de la lisière
Abritons-nous fort bien sans un grain de remords.
D’avoir été acteurs de l’ignoble dérive :
Toi, trop jeune encore, et moi, un troubadour
Rejetant fermement toute force agressive.
Cette ruine, ma sœur, va s’arrêter un jour,
Le jour des vérités et des bilans macabres,
Lorsqu’on aura perdu nos âmes et la raison
Et viendra le chef débiter des palabres,
Des mots faussement beaux et une aigre oraison.
Abdel
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